Poèmes dérogatoires / Séverine é
numéro 1
à pas de loup
c’est comme ça que ça a commencé
à pas de loup
des mots dix-neuf des mots COVID
et des pas de loup
numéro 2
des attestations de déplacement dérogatoire
sèchent sur le tancarville
tu as pris l’habitude de les laver à la main
sans assouplissant
des attestations de déplacement dérogatoire
dépassent du grille-pain
tu as pris goût à l’abrasif
des sorties surveillées
des attestations de plus en plus dérogatoires
flottent au-dessus de ton oreiller
tes rêves sont baillonnés
ton crâne sous haute tension
un texte une danse
un oiseau en exil
des pétales de pluie
et des flocons de silence
le poème a promis
de ne pas crier
des pétales de pluie
et des flocons de silence
le poème dérogatoire a promis
il garde il tient
patience
numéros 3, 11, 39, 7
poème dérogatoire numéro 3
sanglé dès le départ
pas moyen d’être peinard
se dit le poème dérogatoire
poème dérogatoire numéro 11
pas de mot
rien qui bouge
poème ne parle pas au vent dérogatoire
va falloir que tu fasses quelque chose
c’est pénible à la fin
la poésie c’est pas du mortier
ça colmate rien
tordre les rebords des semaines
tordre les ronces qui ont tant creusé
visser des ressorts
pour le boitement
visser des caissons des tribords
habiter dentelle
brume et tunnel
à la crinière
habiter à la crinière
des mots
à la crinière des cabossés
dévisser ce qui tangue ce qui chaloupe
dévisser ce qui sauvage
graisser huiler
et augmenter la puissance
dévisser la parole
graisser huiler
et revisser
et parler plus fort pour couvrir le bruit du COVID
poème dérogatoire numéro 39
aujourd’hui c’est rugosité
hier c’était sourire et chaussettes rayées
va falloir quitter cette houle
pense le poème avant de chialer
numéro 7 poème totem
balance des sons
et se dresse dans la nuit
il y a des toitures
qui dépassent de nos têtes
il y a des figures
qui grattent et qui tempêtes
numéro 25
dans la voix qui parle à l’oreille
il y a des collines qui farandolent
et des chapeaux pointus
il y a des bras qui se lèvent
et le vent qui dessine des éclats de rire